RUE DES BAGNIERS.

 

ON vrai nom est Des Derniers Bagniers, leis Bagniers Rédiers. Elle ne l'a pris que depuis qu'on a donné celui des Chaudronniers à l'ancienne rue des Bagniers où se trouvaient les bains romains qui dataient des premiers temps de la colonie. Ces deux rues sont d'ailleurs très voisines l'une de l'autre, et sur la fin du XVIIe siècle, on avait établi au fond de celle dont nous parlons une fontaine d'eau chaude provenant de ces anciens bains romains et qu'on a transportée sur le Cours vers le milieu du siècle suivant, en la remplaçant ici par une fontaine d'eau froide.
Saint Honorat, fondateur de l'antique et célèbre abbaye de Lérins, fut élu archevêque d'Arles en 426. Chaque année il allait faire une retraite pendant le carême, au monastère de Lérins, et logeait, en passant à Aix, chez un noble et riche particulier nommé Alphant à qui le saint, son ami, avait obtenu du ciel, par ses prières, la consolation d'avoir un fils dans ses vieux jours. Un plancher vermoulu s'étant écroulé sous les pieds de ce fils unique, celui-ci fut enseveli sous les décombres et resta mort, ce qui remplit la maison de deuil. Saint Honorat arriva à Aix le lendemain de ce malheureux événement et trouva les parents inconsolables. S'étant fait conduire dans la chambre où était encore l'enfant qu'on se disposait à porter à la sépulture, il se prosterna devant le Seigneur et le supplia avec tant de ferveur de donner une seconde fois la vie au jeune Alphant, que le mort ressuscita aussitôt. Un miracle aussi éclatant remplit ville d'admiration et les parents d'une vive reconnaissance en témoignage de laquelle ils firent ériger sur le coin de leur maison, une statue du saint qui a été renouvelée d'âge en âge et qui a été finalement abattue en 1793, treize cent soixante cinq ans après l'événement arrivé en 428. Cette maison, située au coin des rues des Gantiers et des Bagniers et qui vise actuellement sur la place Saint-Honoré, a pu autoriser l'erreur dont nous avons parlé à l'article précédent. La famille d'Olivari l'a possédée pendant plus de deux siècles et parmi trois conseillers au Parlement qu'a fournis successivement cette famille, nous distinguerons Jean-Pierre, le second d'entre eux, né en 1554, mort doyen de la cour en 1633, l'ami du grand Peiresc, dans la correspondance duquel on trouve des lettres de ce magistrat qui témoignent de son érudition et qui justifient l'honorable réputation dont il jouissait parmi ses contemporains. 1

Charles Pavillon, peintre, né le 26 mars 1729, mort directeur, de l'académie royale de peinture d'Edimbourg, le 14 juin 1772, était le fils d'un orfèvre qui logeait dans cette rue des Bagniers. Nous ne connaissons aucun de ses ouvrages, ni aucune autre circonstance de sa vie; mais notre indication peut provoquer des recherches à ce sujet, qui ne seraient peut-être pas sans intérêt pour ses compatriotes. Nous ajouterons qu'il était petit-fils de Balthazar Pavillon, orfèvre, graveur assez médiocre, duquel on conserve néanmoins quelques planches, et qui mourut à l'âge de 80 ans, au mois d'août de la même année 1729.

Les vieilles rues deis Capeliès (des Chapeliers), de la Varguétarié (de la Vergueterie ou des Balanciers), 2 de la Soounarié (de la Boucherie), de la Sabatarié (de la Sabaterie ou des Cordonniers), de la Triparié (de la Triperie et depuis cent ou cent cinquante ans de la Glacière), de la Frucharié (la partie de la place aux Herbes où se vendaient les fruits), de la Tricharié (la partie de la même place destinée à la vente du poisson et où se commettaient mille et mille tricheries sur le poids), de la Corréjarié (les Corroyeurs), 3 deis Peirouliés (des Chaudronniers), etc., nous prouvent par les noms qu'elles ont conservé comme quelques autres que nous nommerons plus tard, qu'autrefois les artisans qui exerçaient la même profession, s'établissaient dans une même rue. Cela leur était-il prescrit par les règlements de police ? C'est ce que nous ne saurions dire. Quant à ces rues elles ne nous offrent, excepté celles de la Sabaterie et de la Boucherie, aucun souvenir historique ou biographique et nous n'en parlerons pas plus longuement.

 

 

1 Sa famille possède un magnifique portrait de lui, qui passe pour l'un des chefs-d'œuvre de Finsonius. Retour

2 Il n'en reste plus que quelques maisons comprises maintenant dans la rue des Chapeliers dont elles sont, a vrai dire, la continuation. C'est là que les religieux grands-trinitaires s'étaient logés en 1727 mais ils n'y demeurèrent pas longtemps ayant manqué d'aumônes suffisantes pour fonder un établissement durable. Retour

3 Elle s'étendait de la rue des Orfèvres à celle des Marchands. Il n'en existe plus qu'une partie : ce sont les maisons opposées à la façade méridionale des greniers publics. Retour