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rue du Buf était, avant l'agrandissement de la ville, un chemin
public servant de communication entre celui de Saint-Maximin et de Toulon, et
un autre chemin qui, de la porte Saint-Jean, se dirigeait vers l'hôpital
Saint-Lazare, où il aboutissait à la route venant de la porte
des Augustins et conduisant à Marseille. Dès l'an 1336, elle était
bordée de maisons et était appelée la traverse des Roget,
du nom de la famille Roget, l'une des principales qui y fesaient leur demeure.
La famille Garron qui avait donné quelques magistrats à la cour
des comptes et au bureau des finances de Provence, y eut également son
habitation depuis 1473, jusque vers la fin du siècle suivant, et c'est
dans ce temps-là qu'on appela quelquefois cette rue traversière
la Garrone, et non la Garonne, comme le disent mal à propos les cartes
ou plans gravés de la ville d'Aix.
Cette famille Garron est éteinte depuis longtemps, et voici ce qu'on
lit dans le Journal manuscrit de Foulques Sobolis, procureur au site d'Aix,
sous la date du mois de mars 1603 : " Mr Me Jean Garron, conseiller du
roi et auditeur en la cour des comptes, aydes et finances en ce pays, avoit
fait étudier à Paris un sien fils aîné nomme Jean,
lequel étoit sçavant, et étant de retour à Aix l'auroit
mandé étudier en Italie, et quelque temps après l'avoit
fait pourvoir d'un office de conseiller du roi au parlement de ce pays au lieu
et place de feu M. de St-Césary. Ledit sieur avoit mandé quérir
son fils pour le faire venir et les messagers ne l'ayant pu trouver, il y est
allé en personne pour le trouver, depuis le mois de décembre 1602.
Dieu l'a adressé à un couvent de St-Benoist réformé,
qui est à une montagne dite Monte-Carrece, près de Pérouze,
qui est à deux journées et demi loin de Rome et de N.-D. de Lorette
, où il y a quarante religieux, aucuns agés de cent ans et plus,
chacun ayant sa maison à part, où il a trouve son fils avec son
habit blanc qu'il avoit pris depuis un mois seulement, lequel après avoir
requis pardon à son père qui ne l'a pu détourner de sa
religion, le fils y est demeuré et le père s'en est retourné.
"
Une hôtellerie à l'enseigne du Buf, établie avant
1586 par un nommé Jean James, a donné à cette rue le nom
qu'elle porte depuis lors.
Les quartiers de Saint-Jean et d'Orbitelle
ayant été renfermés dans la ville en 1646, les religieuses
de la Visitation fondèrent, en 1652, dans la rue du Buf, le second
monastère qu'elles ont eu à Aix (le premier existant depuis 1624,
dans la rue Bellegarde) ; mais elles se transférèrent, en 1671,
au midi de la place du Grand-Boulevard, autrement dite de la Plate-Forme, où
elles ont subsisté jusqu'à leur suppression en 1792, et vendirent,
en 1674, leur couvent de la rue du Buf aux religieux de la Merci, détruits
en 1769, avant la révolution.
Des bains publics occupent aujourd'hui leur ancien local. Ces bains sont très
fréquentés et méritent de l'être par leur bonne tenue
et la propreté qui y règne. Entre ces bains publics et le relais
de la poste, dont nous allons parler, était situé, avant la révolution,
l'hôte! de la commanderie d'Aix, de l'ordre de Malte, que le bailli de
Séguiran d'Auribeau avait légué, au commencement du siècle
dernier, à la langue de Provence pour y établir la demeure des
commandeurs d'Aix.
Le premier relais de la poste de Paris à Marseille, établi à
Aix sous Louis XIII, en 1627, fut placé dans la rue du Buf, et
y a existé pendant près de deux cents ans, d'où vient qu'on
a donné quelquefois à cette rue, le nom de rue du Relais.
La partie occidentale de la rue du Buf, comprise entre celles de la Monnaie
et des Quatre-Dauphins, s'appelait la rue Sainte, nous ne saurions dire à
quelle occasion, lorsqu'en 1811, le barbouilleur qui fit, à cette époque,
tant de bévues que nous avons signalées, imagina de la réunir,
de son autorité privée, à la rue du Buf, dont elle
est, il est vrai, la continuation. Mais elle est alignée également
à l'autre extrémité avec la rue Saint-Michel, et c'est
à celle-ci, plutôt qu'à l'autre, qu'on eût dû
la réunir, supposé qu'il y eût nécessité de
faire disparaître ce nom de rue Sainte ; car celle de
la Monnaie ou plutôt le chemin public dont elle a pris la place, formait,
avant l'agrandissement de la ville, la séparation des quartiers actuels
de Saint-Jean et d'Orbitelle ; le côté oriental du chemin était
du domaine du prieuré de Saint-Jean, et le côté occidental,
du domaine de l'archevêque, comme nous lavons dit plusieurs fois.
Le superbe hôtel situé sur la ligne septentrionale de cette portion
de rue et qui est précédé d'une vaste cour d'honneur à
côté de laquelle est un beau jardin, fut bâti, quelques années
avant la révolution, par Joseph-Philippe Bonnet de la Beaume, conseiller
au parlement. Ce magistrat n'en jouit jamais, les premiers troubles l'ayant
contraint de se réfugier à Lyon, où il périt misérablement
sur l'échafaud révolutionnaire. 1
Environ trente ans plus tard, le général Miollis acquit cet hôtel
qui fut vendu après sa mort à MM. de Coriolis-Moissac dont nous
parlerons ci-après, et qui y ont tenu un état de maison conforme
à leur rang et à leur fortune. 2
1 Voyez au 1er vol., pag. 627, et ci-après, rue de la Monnaie.
2 Pag. 279,
rue Longue-Saint-Jean.