UELQUES
jours seulement après le combat du Val dont nous venons de rendre compte,
1 le 19 juin
1649, cette rue fut le théâtre d'un événement déplorable.
Un cadet d'Aix, nommé Pierre de Beaumont, partisan du comte d'Alais,
et qui avait suivi ce prince à sa sortie du palais où il avait
été fait prisonnier par le parlement, eut l'imprudence de rentrer
furtivement dans la ville pour voir ses parents et vaquer à quelques
affaires domestiques. Entrant par la porte des Cordeliers, où il se flattait
de n'être pas reconnu, il le fut pourtant par les soldats du corps de
garde qui s'y trouvait, et il faillit être mis en pièces par eux,
tant ceux-ci étaient furieux contre tous les partisans du semestre et
du gouverneur. Le chef du poste voulut le sauver et proposa pour cela de le
conduire en prison, pour que son procès lui fût fait régulièrement
par la justice, ce qui fut accepté. Passant dans la rue de la Boucherie
2 pour aller
au palais où étaient les prisons, Beaumont crut s'apercevoir que
les gardes qui le conduisaient ne l'observaient pas de trop près, et
imagina de se jeter dans le logis de la Lance qui faisait le coin de cette rue
et de celle des Chaudronniers. Mais ses gardes le virent et coururent après
lui en ameutant le peuple et criant au semestre ! Les bouchers et les
bouchères se mirent aussitôt de la partie, armés de leurs
couteaux et poursuivirent le malheureux jusque sur le toit où ils l'assassinèrent
inhumainement et le précipitèrent encore vivant sur le pavé
de la rue où il expira ! Exemple mémorable de ce que peut l'esprit
de parti dans certaines circonstances. 3
Le cadavre de Beaumont fut enseveli le lendemain dans l'ancienne église
paroissiale de la Magdelaine et dans le tombeau de ses ancêtres, au nombre
desquels il comptait le premier président Gervais de Beaumont, mort en
1529, à l'âge de cent ans. 4
1 Ci-dessus, pag. 56 et 57. Retour
2 La petite ruelle qui, de la rue de la Boucherie,
va se jeter dans la place aux Herbes, vis à vis la halle au poisson,
fut ouverte en 1652 et s'appelle la Baratenque, du nom d'une jardinière
qui avait alors son établissement entre cette ruelle et la halle. Retour
3 Pitton. histoire d'Aix,
in-f°, pag. 441. Retour
4 Il mourut, il est vrai, sans enfants; mais
son frère, qu'il avait attiré à Aix de la ville de Vendôme
dont ils étaient natifs, laissa, dans cette première ville nombreuse
postérité divisée en cinq branches qui ont toutes disparu
depuis. Retour