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portait jadis indifféremment le nom de deux familles Bremondi et Sibert
qui, très anciennement, y fesaient leur résidence. Elle a retenu
le premier, et il est surprenant qu'on ne lui aie pas donné préférablement
celui d'une troisième famille qui y a demeuré aussi pendant plusieurs
siècles et à laquelle; se rattachent d'honorables souvenirs.
Nous voulons parler de la famille Borrilli, dont quatorze membres, pères,
fils, frères, oncles, neveux ou cousins, ont exercé le notariat
dans Aix, pendant l'espace d'environ 260 ans, Depuis un François Borrilli,
reçu en 1385, jusqu'à Boniface Borrilli, mort revêtu du
même office en 1648.
Ce dernier était un savant antiquaire
et un amateur éclairé des Beaux-arts, à l'exemple de Rascas
de Bagarri et de Peiresc, ses illustres contemporains. Sa maison, qui était
celle de ses pères, était située au bout de la rue dont
nous parlons, à gauche en venant par celle de la Grande-Horloge et elle
fait le coin dans la rue de l'Ecole, autrement dite de Saint-Joachim. Boniface
Borrilli y avait formé un riche cabinet où l'on voyait plus de
120 tableaux des meilleurs maîtres, tels que Michel-Ange, le Bassan, le
Titien, le Caravage, Léonard de Vinci et quelques autres ; le portrait
de Rubens par Van-Dick, 1
des statues antiques et modernes, en bronze et en marbre, parmi lesquelles était
une en marbre de Bandinelli, représentant un Sénèque mourant
et du plus grand prix ; des vases et des instruments antiques très curieux
qui avaient servi aux Romains pour leurs sacrifices ou à d'autres usages
; des ornements de femme, en matières précieuses et principalement
deux bracelets en or, découverts à Antibes dans un tombeau de
marbre ; trois squelettes en terre cuite, de Michel-Ange, un vase et un bassin
de jais très remarquables par leur grosseur ; des pétrifications
de toute espèces ; des momies d'Egypte, etc.., etc..; soixante-dix médailles
d'or, grecques ou romaines, huit cents en argent, et seize cents en bronze ;
les monnaies de tous les rois de France depuis Charlemagne ; celles des comtes
de Provence; le sabre du fameux Raymond de Turenne, qui avait mis ce pays à
feu et à sang à la fin du XIVe siècle; enfin un verre dont
la coupe seule avait un pied de hauteur, contenant environ un pot de vin et
qui avait appartenu au roi René. Sur le pied de ce verre on lisait ces
mots provençaux tracés en lettres d'or : Qu ben beoura Diou
veïra ; et tout au autour du bord ces autres mots ; Qu me beoura
de touto soun haleino veïra Diou et la Madaleno.
En effet, l'image du Sauveur et celle de la Magdelaine étaient peintes
au fond de la Coupe et se découvrait ainsi aux yeux de l'intrépide
buveur qui l'avait vidée d'un seul trait. 2
Michel Borrilli, prieur de Ventabren, fils de Boniface, et ses successeurs,
avaient conservé jusqu'à la révolution la majeure partie
de ces objets de ce cabinet, ainsi que la maison qui le renfermai. Mais depuis
il a été dispersé et on en trouve encore à Aix quelques
pièces éparses dans différents cabinets.
Louis XIII se trouvant dans cette ville au mois de novembre 1622, fut curieux
de visiter le cabinet de Borrilli. Frappé de cet assemblage précieux
de tant de raretés, il voulut y laisser un monument de sa munificence,
et il y déposa le riche baudrier qui lui avait servi le jour de son sacre.
Il décora en même temps Boniface Borrilli du titre de secrétaire
ordinaire de la chambre du roi qu'il porta jusqu'à la fin de ses jours,
lui permettant aussi de placer la figure de ce baudrier en chef de ses armes,
dans un champ d'azur et entouré de fleurs de lis d'or. C'est ce que fit
Borrilli en y ajoutant cette devise : totus me videat, gestet, miretur et
orbis. Il en fit aussi faire une représentation en marbre qu'il plaça
en-dessous d'un buste de Louis XIII, en médaillon dans l'église
des Cordeliers où se trouvait la sépulture de sa famille, avec
cette inscription au bas : Balteum marmoreum reddo quod aureum accepi.
Un si noble présent exerça bientôt la muse de tous les beaux
esprits du temps, et Borrilli en fit imprimer le recueil sous ce titre : Le
baudrier du sacre de Louys le Juste, XIII de son nom, roi très chrétien
de France et de Navarre ; Aix, Tholozan, 1623, in-4°.
La famille Borrilli était tombée en quenouille dans une autre
honorable famille du nom de Fabri, qui avait réuni les deux noms et les
deux écus, et qui s'est également éteinte en la personne
de M. de Fabri-Borrilli, ancien conseiller au parlement d'Aix, mort en cette
ville en 1821. Celui-ci avait occupé pendant quelques années,
sous l'empire et à son retour de l'émigration, une place de juge
au tribunal de première instance de Marseille, ce qui ne le flattait
pas infiniment, comme on va le voir. Il nous souvient qu'en 1809, il fit une
apparition à Aix et vint voir M. de Saint-Vincens son ancien collègue
au parlement, alors maire de cette ville, chez qui nous nous trouvions dans
ce moment. Ces messieurs causèrent librement des pertes qu'ils avaient
éprouvées depuis vingt ans ; des dédommagements que leur
offrait le gouvernement impérial, et surtout des métamorphoses
que la révolution avait opérées en eux. M. de Fabri-Borrilli
plaisantait sur son nouvel état auquel étaient attachés
néanmoins d'assez forts émoluments, ce qui le consolait tant soit
peu, et il termina ses railleries par un sarcasme : ce n'est plus beau,
dit-il, mais c'est bon. - Hélas, mon ami, lui répartit
vivement M. de Saint-Vincens, dont les fonctions étaient gratuites, ce
qu'on m'a donné n'est ni beau ni bon. Il ne prévoyait pas
sans doute qu'à quelques temps de là, il serait nommé membre
du législatif, puis second président de la cour impériale
d'Aix, ou M. de Fabri-Borrilli entra le même jour que lui, comme conseiller,
ainsi que d'autres anciens membres du parlement.
1 Ce beau portrait avait été envoyé par Rubens lui-même à notre illustre Peiresc en 1629. (Voyez les Lettres inédites de P.-P. Rubens, publiées d'après ses autographes, par Emile Gachet, Bruxelles 1840, in-8°, de 290 pag., sans l'avant-propos et l'introduction. Lettre 73 de Rubens à Peiresc du 9 août 1629, et lettre 77, du même au même, du août 1630). Après la mort de Peiresc il passa dans le cabinet des Borilli (Curiosités d'Aix, par de Haitze pag. 61), et c'était à peu près tout ce que le conseiller de Fabri-Borilli, dont nous parlons plus bas et qu'on avait spolié pendant son émigration, avait conservé du précieux cabinet des ses prédécesseurs. Une servante qui savait combien il y tenait, l'avait roulé et jeté dans un coin pour le soustraire aux regards des metteurs de scellés chez les émigrés. Tout le teste fut dilapidé ou vendu. A sa mort, M. de Fabri-Borilli le donna à son ami François Bermond, conseiller doyen de la cour royale d'Aix, démissionnaire en août 1830, mort le 21 mars 1842, âgé de 90 ans. Lequel nous à légué ce portrait en témoignage de l'estime et de l'amitié dont il nous honorait et nous le possédons depuis dans notre cabinet. Retour
2 Voyez le Mercure français, tome X, année 1624, pag. 392 et suivantes ; - les curiosités les plus remarquables de la ville d'Aix, par de Haitze, pag. 61 ; - Histoire d'Aix, par Pitton, pag. 677 - Histoire générale de Provence, par Papon, tome IV, pag. 437 ; et. autres auteurs. Retour