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donnait autrefois ce nom à la rue qui, du milieu de celle de Nazareth,
en face de la rue Papassaudi, va se jeter dans la Grande-Rue-Saint-Esprit. On
le lui donnerait encore sans la maladresse d'un barbouilleur qui fut chargé,
en 1811, de restaurer les écriteaux indiquant les noms des rues, et qui
trouva bon de faire de celle-ci une continuation de la rue Papassaudi ; erreur
qu il serait bien facile de réparer, 1
et qu'on réparera tôt ou tard, nous l'espérons; c'est pourquoi
nous séparons ici cette rue de la rue Papassaudi.
A l'entrée de cette rue, du côté de celle de Nazareth, sur
la droite, se trouve une source abondante d'eau thermale, qu'on nomme le Grand-Puits,
et qu'ou ouvrait au public seulement dans les temps de sécheresse. On
y a placé, il y a quelques années, une pompe en fonte destinée
à fournir constamment de l'eau à ce quartier. La maison près
de laquelle cette borne-pompe est établie, appartenait jadis à
une branche de l'ancienne famille de Bermond, qui possédait les seigneuries
de la Galinière et de Pennafort. Boniface et Armand de Bermond père
et fils, moururent l'un et l'autre étant doyens du parlement, le premier
en 1618, le second en 1653. Ce dernier était amateur de pièces
curieuses et d'antiquités. Un marchand de Marseille avait rapporté
d'Afrique une inscription arabe, qu'Honoré Bouche croyait écrite
en caractères hiéroglyphiques égyptiens, 2
et que ce marchand destinait au savant Peiresc. Mais ayant trouvé à
son arrivée ce grand homme mort, il déposa cette inscription dans
la maison du conseiller de Pennafort où elle était encore il n'y
a pas trente ans , quoique cette maison ait bien souvent changé de maître.
Millin l'avait vue inscrutée dans le mur du vestibule, lors de son passage
à Aix en 1804, et voici la traduction qu'il en donne. 3
" Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Que Dieu soit
propice au prophète Mahomet et à sa race, et qu'il leur accorde
le salut ! Toute âme 4
éprouvera la mort ; mais vous recevrez le salaire qui vous sera dû
au jour de la résurrection. Celui-là sera bien honteux qui sera
écarté du feu et introduit dans le paradis. C'est ici la sépulture
de Hadji Thabet, fils d'Abdalrahim , mort dans la première décade
du mois de Djoumada premier, l'an 585. "5
Cette pierre appartient aujourd'hui à M. Porte. Elle a été
moulée et il en existe des copies en plâtre dans divers cabinets
de curieux de cette ville.
Dans la nuit du 29 au 30 juillet 1776, le feu se manifesta dans la boutique
d'un menuisier qui occupait le rez-de-chaussée de cette maison. L'incendie
fut bientôt si violent qu'avant cinq heures du matin on était déjà
en train d'abattre, dans la crainte d'un plus grand mal, l'arceau qu'on appelait
le portalet de Saint-Jacques, et qui unissait la maison incendiée à
l'île voisine située entre la rue Papassaudi, la place Saint-Honoré,
celle d'Albertas, etc. Ce portalet, qui n'a pas été rétabli
depuis, était pareil à celui qui existe encore à la place
des Prêcheurs, à l'entrée de la rue Rifle-Rafle, et qui
avait été, avons-nous dit, 6
une porte de la ville. Au moyen de cette démolition, le feu ne s'étendit
pas plus loin du côté du levant ; mais il gagna du côté
opposé en allant vers le Saint-Esprit, et l'on fut obligé également
d'abattre une partie des autres maisons formant cette île de figure triangulaire
qui est entourée par les rues du Grand-Puits et de Nazareth, et par la
Grande-Rue-Saint-Esprit. Les meubles de ces maisons furent. jetés par
les fenêtres, et c'était un spectacle affreux pour les habitants
d'une ville où les incendies sont si rares et où, de mémoire
d'homme, on n'en avait pas vu de pareil.
Heureusement, il n'en coûta la vie à personne. MM. les consuls,
les ingénieurs de la ville et de la province, un très grand nombre
de maçons et d'ouvriers étaient accourus sur les lieux dès
que les cloches des églises avaient commence à sonner, et a dix
heures il n'y avait plus à craindre aucun danger pour les maisons environnantes.
Le feu n'en continua pas moins le lendemain, et pendant plusieurs jours les
décombres exhalèrent de la fumée.
Le marquis de Vauvenargues était alors premier consul d'Aix, procureur
du pays de Provence. Ce digne frère de l'illustre moraliste, en qui s'est
éteinte, en 1801, cette branche si populaire de la maison de Clapiers,
eut la généreuse pensée de faire une quête publique
en faveur des incendiés. Ses collègues et lui-même ne dédaignèrent
pas d'aller de porte en porte, la bourse à la main, pour recueillir les
aumônes des habitants. M. l'archevêque (Boisgelin ) donna 1,500
francs ; le parlement eu corps 37 louis 7;
la cour des comptes, aides et finances , 33 louis ; les trésoriers de
France , 10 louis ; le chapitre de Saint-Sauveur, 100 écus, et chaque
membre de ces compagnies donna encore à la porte de sa maison. MM. les
consuls et assesseur avaient été les premiers à verser
12 louis dans la bourse commune. Ils eurent la satisfaction de recueillir au-delà
de dix mille francs qu'ils distribuèrent aux victimes de l'incendie,
dans la juste proportion des pertes que celles-ci avaient éprouvées.
Les maisons furent rebâties ou restaurées; mais quelques personnes
regrettèrent que la ville n'eût pas saisi cette occasion de convertir,
à peu de frais, cet emplacement en une place publique.
1 Voyez ci-dessus,
pag. 8, not. 2. Retour
2 Histoire de Provence, tom. 1er chorographie, pag. 202. Retour
3 Voyage dans les départements du midi, tom. 11, pag. 556. Retour
4 C'est-à-dire toute personne. Retour
5 Cette date se rapporte à l'an 1189 de J.-C. Retour
6 Voyez ci-dessus, pag. 9 et 532. Retour
7 Le louis d'or valait 24 livres tournois, ou quatre écus de 6 livres. Retour