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est ainsi nommée, à cause que les charcutiers y exerçaient
leur profession très anciennement. Charcuter se dit en latin minutatim
concidere, d'où est venu le mot provençal Ménudières
appliqué aux saucisses, saucissons, cervelas et autres pâtes de
viande qu'apprêtent les charcutiers.
En 1590, la ville était entièrement sous le joug des ligueurs.
Dès le mois de janvier, ceux-ci avaient envoyé des députés
au duc de Savoie, Charles-Emmanuel, pour l'engager à entrer en Provence
et venir se mettre à leur tête, ce qu'il fit au mois de novembre
suivant.
On comptait néanmoins dans la ville bien des royalistes qu'on appelait
alors les bigarrats, parce qu'étant bons catholiques et tenant
le parti d'Henri IV, quoique ce prince fût encore huguenot, il y avait,
disait-on, de la bigarrure dans leurs sentiments.
Parmi eux se trouvait un jeune avocat, contrefait et bossu nommé François
Rainaud, fils d'un conseiller au parlement mort depuis quelques années.
Rainaud avait des intelligences avec la Valette gouverneur de Provence pour
le roi, et résolut de lui livrer la ville. Il fut donc convenu entre
eux qu'au mois de juillet, la Valette ferait approcher quelques troupes secrètement
; qu'on mettrait le feu aux meules de blé qui seraient alors déposées
sur les aires publiques, au dehors des murs, et que tandis que les habitants
seraient occupés à éteindre l'incendie, les soldats du
gouverneur pénétreraient dans l'intérieur de la ville,
au moyen d'un souterrain pratiqué dans une des tours adossées
aux remparts le long de la rue des Ménudières et qui communiquait
avec la maison de l'ancien capiscol de Saint-Sauveur.
Cette conspiration fut découverte par un chapelain de cette église,
nommé Adam Decombis, prêtre, natif du lieu de Trets qui, feignant
d'être bigarrat, se mêla aux conjurés et leur arracha
leur secret qu'il alla dévoiler aux consuls. Rainaud fut aussitôt
arrêté et son procès lui ayant été fait, il
fut condamné, le lundi 9 juillet, par arrêt du parlement, à
avoir la tête tranchée, ce qui fut exécuté le même
jour. Ses biens furent confisqués par le même arrêt, distraction
faite d'une somme de 500 écus au profit du prêtre Decombis qui
avait déjoué la conspiration. Le parlement accorda néanmoins
au condamné, en mémoire de son père, la grâce d'être
enterré auprès de celui-ci dans l'église des Dominicains.
Ayant été appliqué à la question pendant qu'on instruisait
son procès, Rainaud avait eu la faiblesse de nommer quelques complices
notamment des religieux capucins, le président d'Estienne Saint-Jean,
le notaire Maurel, Lambert et quelques autres qu'il déchargea de cette
accusation lorsqu'il fut sur l'échafaud, prêt à recevoir
le coup mortel. Quelques auteurs 1
ajoutent qu'il avait désigné parmi les conjurés, un nommé
Reynier qui se trouvait absent lorsque la conspiration fut découverte
et qui rentra par hasard dans la ville, au moment où l'exécution
allait se faire. L'un des consuls, surpris de le rencontrer, l'aborde et lui
faisant part de ce qui se passe, l'engage à prendre la fuite sur-le-champ.
Loin de là, Reynier, sans se déconcerter, va s'armer d'un poignard,
court à la place des Prêcheurs et monte sur l'échafaud à
l'instant où le bourreau bandait les yeux au patient. Il lui fait signe
d'attendre un moment et s'adressant à Rainaud, il le somme de dire publiquement
la vérité. Rainaud le disculpe aussitôt, en rendant grâces
au ciel d'avoir été à temps de sauver la vie à un
innocent et périt lui-même un instant après, à l'âge
de 34 ans. Cette histoire de Reynier est sans doute bien théâtrale
et bien touchante ; mais comme Sobolis n'en dit pas un mot dans son journal
manuscrit où il rapporte à chaque page des événements
beaucoup moins intéressants que celui-ci, on nous permettra d'en douter
un petit peu.
Ce qui est plus certain, c'est que le vendredi suivant, Claude de Saint-Jacques,
commis au greffe civil du parlement, fut pendu pour le même fait de conspiration
en faveur de la Valette ; et que le surlendemain dimanche, 15 juillet, une procession
générale eut lieu dans la ville pour remercier Dieu de l'avoir
fait échouer. Les consuls, accompagnés de vingt-cinq notables
habitants environ, allèrent ensuite prier le chapitre de Saint-Sauveur
de pourvoir d'un bénéfice Adam Decombis, en récompense
du service qu'il avait rendu à la cité par sa révélation,
ce que le chapitre s'empressa de leur accorder.
1 Gaufridi, histoire de Provence, in-f°,
Tome II, pag. 700 ; et de Haitze, Histoire d'Aix, mss, livre VI, chapitre
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