ATI,
en vieux langage provençal, signifie cloître. De là vient
qu'on a donné le nom de rue des Patis à celle qui longeait anciennement
les cloîtres des Cordeliers. Au milieu du XVIe siècle, ces cloîtres
furent cédés aux pénitents qui y transférèrent
leur chapelle établie, depuis 1517 environ, dans la petite église
de Notre-Dame de Beauvezet. Ces pénitents portèrent d'abord la
robe bleue, mais en venant chez les Cordeliers, ils adoptèrent la robe
noire qu'ils ont portée jusqu'à leur suppression en 1771. 1
En 1562, la ville était sous le joug des huguenots, à la faveur
de l'édit de janvier qui, le premier en France, leur accorda l'exercice
public de leur religion. Cet édit, enregistré au parlement d'Aix
le 6 février suivant, mit fin momentanément aux atrocités
que les catholiques commettaient contre les protestants ; mais ceux-ci voulurent
abuser de la tolérance qu'on leur avait accordée et ne tardèrent
pas à être chassés de la ville.
Suivant un ancien usage, les catholiques se rendaient annuellement le 25 mars,
jour de la fête de saint Marc, en procession et les pieds nus, à
la chapelle de Saint Marc la Morée, située à la distance
d'une lieue sur la route d'Italie, non loin des bords de l'Arc. Cette année
(1562) les huguenots semèrent pendant la nuit sur la route, des graines
d'épinards qu'ou sait être armées de petites pointes très
aiguës et qui ensanglantèrent cruellement les pieds des pèlerins.
Ceux-ci furent, à leur retour, l'objet des brocards et des sarcasmes
de leurs ennemis qui se permirent même de leur frapper les jambes avec
de longues verges, et ils résolurent aussitôt de s'en venger. Ils
soulevèrent le reste des habitants catholiques et tous ensemble ils forcèrent
les troupes qui soutenaient les protestants à sortir de la ville.
Les pénitents noirs se distinguèrent particulièrement dans
cette expédition. Munis de cailloux qu'ils avaient cachés sous
leur robe, ils assaillirent à l'improviste le corps de garde établi
dans leur voisinage à la porte des Cordeliers et le mirent en fuite jusqu'à
l'extrémité du faubourg, au lieu nommé la Barricade,
où depuis fut élevée une croix de pierre en signe de cette
victoire. 2
Cette journée, qu'on nomma la Journée des Épinards,
fut le terme de la réaction que les protestants avaient commencé
d'établir contre les catholiques qui, bien plus nombreux qu'eux, ne cessèrent
jamais depuis d'être les maîtres dans Aix.
C'est à cause de cette confrérie de pénitents, que la rue
des Patis est encore nommée, par bien des gens, la rue des Pénitents
Noirs.
1 Ils cessèrent à cette époque de s'assembler et vendirent même leur église pour payer leurs dettes, suivant leur délibération du 24 février, autorisée par le Parlement et que nous possédons en original. Retour
2 Cette croix a été abattue pendant la révolution. Elle était située à l'enfourchure du petit chemin qui de la rue des Bourras va aboutir à la traverse de la Molle, en passant devant la porte d'entrée du couvent des dames du Sacré-Cur. Retour