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a donné à cette rue, en 1811, le nom d'un des plus savants hommes
de son temps, dont la maison d'habitation était située dans la
rue de la Trésorerie, à peu près sur l'emplacement qu'occupe
aujourd'hui celle dont nous parlons. Nicolas Claude Fabry de Peiresc, conseiller
au parlement, était né le 1er décembre 1580, au château
de Beaugencier, où sa famille s'était réfugiée pendant
la peste qui désolait alors la ville d'Aix. L'Europe entière sait
qu'il fut le mécène et l'ami des savants et des gens de lettres
ses contemporains ; son éloge est partout. Aussi n'en parlerons-nous
que pour relever une erreur que Gassendi n'eût pas commise, mais qui parait
s'accréditer de nos jours. Quelques auteurs rapportent que Peiresc fut
un des juges qui condamnèrent Louis Gaufridi (et non Gaufredy), prêtre,
bénéficier de l'église des Accoules de Marseille, à
être brûlé vif, comme sorcier et magicien, ce qui fut exécuté
sur la place des Prêcheurs, à Aix, le 30 avril 1611.
Ce fameux arrêt de condamnation a été imprimé plusieurs
fois et jamais on n'a mentionné dans ces copies les noms des membres
du parlement d'Aix qui l'ont rendu. Les historiens gardent le même silence
à cet égard, et la minute de l'arrêt peut seule éclaircir
ce point de fait. Or, cette minute existe encore aujourd'hui dans les registres
du parlement, déposés aux archives du greffe de la Cour royale
d'Aix, où chacun peut la consulter. On y lit les noms des quatorze juges
qui siégèrent dans cette affaire. " Présents, y est-il
dit, M. Duvair, premier président ; MM. L. Chaine et. L. Coriolis, présidents
; MM. B. Bermond, C. Arnaud, A. Esmenjaud, H. Chailan, P. Puget, H. de Saint-Marc,
.J-L. Laidet, A. Seguiran, A. Thoron, J. Antelmy et J-P. Olivier, rapporteur.
" Celui-ci et le premier président Duvair ont seuls signé
l'arrêt, suivant la règle alors établie et pratiquée
jusqu'à la révolution ; car ce n'est que depuis cette époque
que tous les juges signent la minute des arrêts rendus en matière
criminelle. La loi nouvelle leur en fait un devoir, quelle qu'ait été
leur opinion dans la discussion. Nous croyons donc pouvoir affirmer hautement
que l'illustre Peiresc n'a point concouru à la condamnation de Gaufridi.
Nous remarquerons, en finissant, qu'il ne signait jamais de ce nom comme magistrat.
Les arrêts rendus dans les procès dont il était rapporteur
et qui se trouvent dans les registres, portent seulement cette signature : N.-C.
Fabry. Cette circonstance, jointe à celle que le président et
le rapporteur signaient seuls la minute des arrêts, suffirait pour démontrer
que la prétendue signature Fabry de Peiresc, apposée, suivant
un auteur moderne, 1
au bas de l'arrêt Gaufridi, est apocryphe. Mais, encore une fois, Peiresc
n'a pas été juge dans cette affaire et n'a pas été
dans le cas de donner légalement son avis. Il est donc souverainement
injuste de l'accuser, deux cents ans après sa mort, d'avoir eu la faiblesse
de croire aux sorciers. Le grand Peiresc mourut à Aix le 24 juin 1637,
dans sa cinquante-septième année, et fut enseveli dans l'église
des Dominicains où se trouvait le tombeau de sa famille, laissant après
lui une immense réputation que ses travaux lui avaient acquise. 2
1 Notice sur Gaufredy, bénéficier
de l'église des Accoules de Marseille, etc., dans les numéros
du Mémorial d'Aix, des 9 et 16 décembre 1837. Retour
2 Voyez sur Peiresc sa vie écrite en
latin par Gassendi ; la traduction française et en abrégé
de cette vie, par Requier ; son éloge, par Lemontey ; autre, par Paris;
tous les dictionnaires biographiques, notamment la Biographie universelle
de Michaud, tome XXXIII, pag. 254 et suiv., etc. Retour