ROIS
rues disparurent entièrement lorsque fut tracé l'emplacement que
devaient occuper le nouveau Palais et les nouvelles Prisons: la rue du Messager
qui bordait l'ancien Palais du côté du couchant ; la rue du Temple,
appelée aussi la rue de la Trésorerie à cause qu'elle longeait
la partie de l'ancien palais où siégeaient les Trésoriers
de France, et la rue Sainte Catherine dite également la rue du Temple,
parce qu'elle était la continuation de celle-ci, et que là se
trouvait l'église de Sainte Catherine, bâtie par les Templiers
vers l'an 1220. L'histoire de ces chevaliers est trop connue pour que nous en
parlions ici. Nous dirons cependant qu'ils avaient été reçus
dans Aix au milieu du XII e siècle, et que lors des plaintes et des accusations
criminelles qui s'élevèrent contre eux en 1307, Charles II roi
de Naples et comte de Provence qui régnait de ce temps, les fit arrêter
le même jour dans toute l'étendue de son comté. Ce jour-là,
qui fut le 24 janvier 1308 (n. st.), quelques heures avant le lever du soleil,
Pierre Gantelmi 1
et Pons Garnier, l'un viguier, l'autre juge de cette ville, se
transportèrent, par ordre de leur souverain, dans la demeure des Templiers,
où ils trouvèrent trois de ces religieux encore couchés
et les constituèrent prisonniers. Un quatrième, averti sans doute
par le bruit, parvint à s'évader. On sait que leur ordre fut définitivement
aboli au concile de Vienne, en 1312, par le pape Clément V.
Le frère Albert de Blacas, de la noble maison d'Aups, était alors
commandeur d'Aix et de Saint-Maurice. Il fut emprisonné en 1308, ainsi
que le frère Raymond Perdigon, le seul des Templiers d'Aix qui soit nommé
parmi une cinquantaine de chevaliers provençaux qui furent arrêtés
et détenus, les uns au château de Meyrargues, les autres dans celui
de Pertuis. Mais aucun d'eux ne périt et il est même
prouvé qu'Albert de Blacas continua de jouir, sa vie durant, avec le
consentement des Hospitaliers, des revenus de la commanderie de Saint-Maurice.2
Quant à l'église de Sainte Catherine et autres
biens que les Templiers possédaient à Aix, ils furent réunis
à ceux des chevaliers Hospitaliers du couvent de cette ville qui en ont
joui jusqu'à la révolution. Cette église, dont on aperçoit
encore les fondements sur la voie publique le long de la façade méridionale
des prisons actuelles, fut démolie en 1787, et ne renfermait rien de
remarquable, Si Ce n'est un autel de bois peint en rouge et orné de bas-reliefs
dorés qui représentaient les diverses circonstances du martyre
de Sainte Catherine. Cet autel fut transporté à Saint-Jean et
a été détruit pendant la révolution, ce qui est
à regretter, car c'était un ouvrage curieux par son ancienneté.
Une inscription placée au revers, indiquait qu'il avait été
réparé ou 1514, ce qui peut faire présumer qu'il avait
déjà alors deux ou trois siècles d'existence.
Noble Arbaud d'Arbaud, premier syndic d'Aix en 1428, habitait, dans la rue Sainte
Catherine, une grande maison qui avait appartenu aux Templiers et où
l'on voyait encore, au milieu du XVIIe siècle, suivant H. Bouche,
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quelques marques de la demeure de ces religieux, comme des têtes d'empereurs
en relief, une montée et escalier à la façon des cloîtres
et une chambre entièrement dépeinte, ayant à un côté
la figure de l'adoration des rois à la naissance de Jésus, et
à l'autre l'image d'un crucifix, ayant à la droite la figure de
la Sainte-Vierge, et à la gauche celle de saint Jean, marques bien contraires
à ce de quoi on les accusait. " Hugues Arbaud, prieur de Saint-Jean,
vendit cette maison en 1476, comme fondé de pouvoirs de noble Étienne
Arbaud, son frère aîné, héritier de leur père
commun. Si les bas-reliefs et les peintures dont parle Bouche, existaient encore
en 1787, lors de la démolition de cette maison, ce que nous ignorons,
il est fâcheux qu'on ne les ait pas conservés, comme pouvant faire
connaître quel était l'état de l'ait. en Provence à
l'époque des Templiers. 4
D'autres rues furent encore détruites de 1786 à
1788, sinon entièrement, du moins en grande partie, telles que la
Bouéno Carrièro (la Bonne Rue), les rues de la Vergueterie,
des Chaudronniers, des Courcoussons ou des Bouteilles, et deux ou trois
ruelles adjacentes qui étaient connues sous les mêmes noms qu'elles.
Toutes ces rues étaient étroites, tortueuses et sombres; mais
elles offraient cet avantage d'être plus fraîches en été
et moins froides en hiver, le soleil et le vent y pénétrant bien
moins que dans nos grandes et belles rues tirées au cordeau. Le peu qui
reste de ces anciennes rues et qui disparaîtra tôt ou tard par suite
des alignements projetés ou devenus indispensables, donne encore une
idée de ce qu'elles étaient. On peut d'ailleurs en voir d'autres
toutes pareilles dans l'ancien bourg Saint-Sauveur, soit au nord de la rue Saint-Laurent,
soit au couchant des rues de la Grande-Horloge et de Notre-Dame.
1 Ce viguier d'Aix appartenait à l'une
des plus anciennes familles de cette ville. Jacques et Pierre Gantelmi frères,
fils de ce Pierre, étaient chanoines de Saint-Sauveur, lorsqu'ils furent
promus, le premier, à l'évêché de Sisteron, en 1303
; l'autre celui de Riez, trois ans plus tard. Jacques était d'une humeur
guerrière; il leva, en 1309, sur les habitants de Manosque, une contribution
de 6,000 sols tournois d'argent, destinés à solder des troupes
à la tête desquelles il accompagna le roi Robert qui allait soumettre
les Siciliens. Mais une maladie, qui surprit l'évêque en chemin,
l'enleva la même année. Leur famille subsiste à Naples où
elle possède depuis longtemps le duché de Popoli. Un rameau de
la branche de Provence avait fort dégénéré de son
ancien lustre, puisqu'on assure que son dernier rejeton, qui vivait au commencement
du XVIIIe siècle, était un pauvre savetier duquel le duc de Popoli
acheta les titres originaux de la maison de Gantelmi, que cet artisan possédait
encore. (Notes manuscrites du P. Bicaïs, de l'oratoire). Retour
2 Raynouard, Documents historiques sur les Templiers, pag. 499 et 200. Retour
3 Histoire de Provence, in-f°, tome II, p. 329 et 330. Retour
4 Voyez ci-après Rue
Sainte-Claire. Retour