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de familles ont fait autant d'honneur à la ville d'Aix et ont aussi bien
mérité de la république des lettres que celle de Gallaup-Chastueil,
dont nous écrivons les noms comme les ont, toujours écrit les
divers membres de cette famille. Ce que nous en dirons ressemblera peut-être
un peu trop à une généalogie ; mais c'est une généalogie
de littérateurs estimables, et, à ce titre, nous espérons
qu'on ne la lira pas sans intérêt.
Un Antoine de Gallaup, languedocien, servi avec distinction dans les guerres
d'Italie, sous François 1er, se fixa à Aix en 1520 et s'y maria.
Il fit bâtir, au plus tard en 1523, dans la rue des Silvis, qu'on a nommée
depuis la rue Neuve, et qui est appelée vulgairement en provençal
la carrièro doou Palamar, une maison que lui et ses descendants
ont constamment habitée aussi longtemps qu ils ont existé. C'est
ce qu'il nous serait facile de prouver à laide des registres des anniversaires
du chapitre de Saint-Sauveur, en faveur desquels cette maison supportait, avant
la révolution, une redevance annuelle. On en a d'ailleurs un témoignage
écrit dans l'histoire de la principale noblesse de Provence, par
Maynier, imprimée à Aix en 1719, in-4°, pag. 139, art. Gallaup.1
Louis de Gallaup, Sieur de Chastueil, petit-fils d'Antoine naquit à Aix,
le 19 novembre 1554. Il était fils d'un autre Antoine qui avait acquis
la terre de Chastueil, près de Castellane, et de Françoise de
Just ou Justas, laquelle, après la mort de son mari, fut la principale
fondatrice de l'hôpital la Miséricorde d'Aix, en 1590. 2
Louis de Gallaup fut à la fois historien, antiquaire et poète.
Il fut l'ami de Malherbe, du président Fauchet, César Nostradamus,
François Dupérier, et autres littérateurs de son temps.
Il mourut à Aix, le 5 mai 1598, ayant fait imprimer, l'année précédente,
à Paris, une Imitation des pseaumes de la pénitence royale,
in-4°, dédiée à Henri IV, à la suite de laquelle
on trouve plusieurs autres pièces de poésies sur différents
sujets. On ne lit plus aucun de ces ouvrages, quoiqu'ils ne soient pas sans
mérite, non plus que deux recueils in-f° de poésies françaises
qui sont restés manuscrits. Il avait fait, sur l'histoire d'Aix, des
recherches que Jean de Gallaup, son fils, a insérés en partie
dans son Discours sur les Arcs triomphaux, dressés à l'entrée
de Louis XIII à Aix, dont nous parlerons plus bas. Il laissa de Françoise
de Cadenet de Lamanon, sa femme deux fils, Jean et François de Gallaup.
Ce dernier, né à Aix, le 19 août 1588, fut animé
dès son bas âge, de la plus fervente piété. S'étant
adonné particulièrement à l'élude de la langue hébraïque,
il fit de savantes observations sur le Pentateuque samaritain que le P. Minuti
avait rapporté du Levant. Il était l'ami de Peiresc, qui avait
pour lui la plus haute estime. En 1631, il passa à Constantinople à
la suite de M. de Marcheville, ambassadeur de France, et de là il se
rendit au mont Liban, dans l'intention d'y finir ses jours en véritable
anachorète. Il y passa en effet les dernières années de
sa vie dans les austérités, et il y mourut saintement le 15 mai
1644. Les Maronites, témoins de ses vertus et qui avaient voulu l'avoir
pour patriarche, à quoi il s'était refusé, accoururent
à ses funérailles et lui rendirent des honneurs infinis. Sa vie
a été écrite par Gaspard Augéri, d'Aix, en 1 volume
in-12°, Aix, 1658 ; et par François Marchetti, de Marseille, aussi
en 1 volume in-12°, Paris, 1666. L'un et l'autre de ces volumes sont aujourd'hui
assez rares, le second surtout ; mais on trouve un abrégé de celui-ci
dans le tome 2 du Voyage de Syrie et du mont Liban, par LaRoque. Nous
conservons soigneusement une lettre autographe de ce pieux solitaire, écrite
de Hedem, le 27 juillet 1643, à un de nos pères, l'intime ami
de son enfance, et qui est imprimée dans Augéri. Nous conservons
aussi, et plus précieusement encore, comme une relique, un fragment de
la robe grossière dont il était revêtu au mont Liban, et
qui fut envoyée, après sa mort au procureur-généraI,
son frère, duquel nous allons parler :
Jean de Gallaup, sieur de Chastueil, fils aîné
de Louis, né à Aix, en 1587, fut, comme son père, antiquaire
et historien. En 1622, il fut chargé du programme des arcs-de-triomphe
dressés à Aix, au mois de novembre, à l'occasion de l'entrée
de Louis XIII, et dont il donna au public une description sous le titre de Discours
sur les Arcs triomphaux, etc., Aix, 1624, in-f°. Cet ouvrage, orné
de figures, est semé de tirades historiques sur la Provence et la ville
d'Aix, parmi lesquelles il y en a de Louis de Gallaup, père de l'auteur.
On y trouve aussi un plan fort curieux, de la ville d'Aix, telle qu'elle existait
à cette époque. Jean de Gallaup fut reçu procureur-général
en la cour des comptes, à la fin du même mois de novembre 1622,
et le roi, pour récompenser son savoir, voulut que les provisions lui
en fussent expédiées gratuitement. Il mourut à Aix, le
23 août 1646, laissant d'Elisabeth de Puget Saint-Marc, sa femme, trois
fils : Hubert François et Pierre, dont il eut le bonheur de ne pas voir
les infortunes.
Hubert de Gallaup, sieur de Chastueil, fils aimé du précédent,
né à Aix au mois de juillet 1624, succéda à son
père en 1647 dans l'office de procureur-général en la cour
des comptes, et fut ensuite reçu avocat-général au parlement
en 1655. Il se déclara dans cette dernière charge, contre le cardinal
Mazarin, et prit une part très active à la sédition arrivée
dans Aix, le 14 février 1659 contre le premier président Henri
de Forbin-d'Oppède. C'est ce qu'on nomme dans I histoire d'Aix, la journée
de Saint Valentin. Hubert de Gallaup et ses frères impliqués
dans les poursuites qui furent faites contre les auteurs de la sédition,
furent au nombre des malheureuses victimes des discordes civiles qui divisaient
alors les habitants d'Aix.
Un arrêt du parlement, du 27 mars 1659, condamna les deux frères
de l'avocat général, François et Pierre de Gallaup à
perdre la tête ; et un jugement. prononcé par des commissaires
à Villeneuve-lès-Avignon, le 29 mai suivant, bannit à perpétuité
hors du royaume, l'avocat général de Chastueil ; confisqua sa
charge et ses biens, ordonnant qu'il serait auparavant tiré des prisons
de la Conciergerie et conduit sur les degrés du palais d'Aix, pour y
être, par les huissiers du parlement, dépouillé de sa robe
rouge, chaperon et autres marques de magistrature ; et ce fait, être conduit
hors de la ville d'Aix, par la porte des Augustins avec injonction à
lui de garder son ban à peine de la vie. Nous regrettons d'être
le premier à parler de ces condamnations dont il n'est fait mention dans
aucun de nos historiens, ni dans aucune biographie, mais qui sont attestées
par les registres du parlement, et nous nous hâterons de dire que les
trois frères avaient pris la fuite, en sorte que ces sentences rigoureuses
ne furent exécutées qu'en effigie. De meilleurs temps étant
arrivés, Hubert de Gallaup se rendit; à la cour pour se justifier.
Il fut mis d'abord à la Bastille et fut ensuite réhabilité,
ainsi que ses frères. IL se flattait même d'être rétabli
dans sa charge lorsque la mort le surprit à Paris.
François de Gallaup-Chastueil, son frère, né à Aix,
au mois de novembre 1625, avait pris, étant jeune, du service à
Malte sous le grand-maître Lascaris, qui lui avait accordé la croix
d'honneur. Il était ensuite devenu capitaine des gardes du prince de
Condé ; mais ce prince étant sorti de France, il était
revenu à Aix et s'était trouvé à la journée
de Saint-Valentin. Ayant eu le bonheur de se soustraire à sa condamnation
, il alla servir de nouveau sous les bannières de Malte et fut fait prisonnier
par des vaisseaux algériens. Racheté par sa mère, après
deux ans de captivité, il entra au service du duc de Savoie qui, charmé
de son mérite et de sa valeur, le fit, Sous-gouverneur du prince de Piémont,
son fils. Il mourut à Verceil en 1678 , laissant une traduction des Petits
Prophètes ; une autre traduction en vers de Pétrone
et de quelques livres de la Thébaïde, de Stace. Mais
aucun de ces ouvrages n'a été imprimé.
Pierre de Gallaup-Chastueil, le dernier des fils de Jean, était plus
jeune que ses frères d'une vingtaine d'années, étant né
à Aix, le 2 août 1644, deux mois et demi après la mort de
son oncle, le solitaire du mont Liban. Sorti de France, fort jeune encore, pour
échapper à sa condamnation, il alla servir en Candie sons le duc
de la Feuillade. Etant ensuite revenu à Paris, il y devint l'ami de Furetière,
de La Fontaine, de Boileau et de Mlle de Scudéri. Il s'adonna à
la poésie, principalement à la poésie provençale,
et composa. dans cette langue, une ode en vingt stances sur la prise de Maëstrick
, qui eut du succès et qui le mérite. Elle est imprimée
en entier dans le tom. 8 des Mémoires de littérature du
P. Desmolets, et par extrait dans le 1er vol. du Dictionnaire des Hommes
illustres de Provence, (Marseille, 1786, 2 vol. in-4°), où les
curieux peuvent la lire sans faire beaucoup de recherches.
De retour à Aix après une longue absence, Pierre de Chastueil
fut chargé, en 1701, des préparatifs de la réception des
ducs de Bourgogne et de Berri, lors de leur entrée dans cette ville.
Il s'en acquitta dignement, ainsi que son père l'avait fait en 1622,
pour l'entrée de Louis XIII, et, comme lui, il en publia la description
sous le titre de Discours sur les Arcs triomphaux, etc., Aix, l701, in-f°,
avec figures. Cet ouvrage excita la critique de P-J. de
Haitze. Celui-ci, jaloux peut-être de ce qu'on ne l'avait pas chargé
de ce travail, publia en 1702, sous le titre de Lettre critique de Sextius
le Salyen à Euxénus le Marseillais, une satire peu mesurée
de l'ouvrage de Pierre de Chastueil, qui répondit à de Haitze
par des Réflexions sur le libelle intitulé Lettre critique,
etc. Dans cet écrit Pierre de Chastueil est encore moins modéré
que de Haitze. Ce dernier fit imprimer alors ses Dissertations sur divers
points de l'histoire de Provence, Anvers, (Aix, 1704, in-12) , et auxquelles
Pierre de Chastueil répliqua par son Apologie des anciens historiens
et des Troubadours ou Poète provençaux, Avignon, (1704, in-12).
Ces divers ouvrages se trouvent dans toutes les bibliothèques des amateurs
de l'histoire du pays, et nous nous dispenserons d'en parler plus au long. Pierre
de Chastueil mourut à Aix sans enfants, le 15 juillet 1727, âgé
de 85 ans. Il fut le dernier de sa famille, dont les biens passèrent
dans celle de Durand-Fuveau, qui s'est également éteinte depuis
lors. Les Gallaup-Chastueil avaient leur sépulture derrière le
maître-autel de l'église des Dominicains, aujourd'hui paroisse
Sainte-Magdelaine de cette ville.
1 Vers le milieu de cette rue, à gauche en montant, se trouvent les derrières des maisons des Vauvenargues et des Mazaugues dont nous avons parlé ci-dessus, pag. 75, 76 et 77 ; ce qui justifie pleinement l'opinion de ceux qui auraient désiré qu'on eût donné l'un de ces noms, ou celui de Gallaup-Chastueil, à la rue Neuve, lorsqu'on a changé le nom de celle-ci en 1844. -Voyez plus haut, p. 162. Retour
2 Voyez
ci-dessus, pag. 78. Retour