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lettres-patentes du 31 décembre 1413, Louis II d'Anjou, roi de Naples
et comte de Provence, rétablit plutôt qu'il ne la fonda l'université
d'Aix qui était fort ancienne, suivant le projet qu'il en avait soumis
au pape Alexandre V, et que celui-ci avait approuvé par sa bulle du 5
des ides de décembre 1409, l'an 1er de son pontificat. Depuis plus de
deux siècles, Alphonse ou Ildefons 1er, roi d'Aragon et comte de Provence,
avait fondé à Aix une académie générale des
sciences qui avait pris le nom d'Université. On connaît une foule
de professeurs qui y avaient enseigné le droit bien avant le règne
de Louis II, tels que :
Rostand de Capra, avant qu'il devint archevêque d'Arles
en 1286. 1
Thomas Seillans, juge-mage de Provence, en 1293. 2
Pierre Boyre, Alquier Canola et Jean Cabassole qui, en 1303, furent présents
à la déclaration que fît Béatrix, fille du roi Charles
II, portant qu'elle ne voulait point être religieuse. 3
Jean de Juvanaro, juge-mage de Provence, en 1336. 4
Boniface de Lira dont nous avons parlé comme habitant de la Bouèno-Carriéro,
en 1337. 5
François de Grossis, chevalier, enterré dans l'église de
Saint-Jean en 1347, 6
et autres que nous pourrions nommer si nous ne craignions d'abuser de la patience
de nos lecteurs.
Feu Aubine Henricy, avocat, 7
notre très honorable ami, avait publié, en décembre 1826,
une savante et consciencieuse Notice sur l'ancienne Université d'Aix,
8 à laquelle
nous ne pouvons mieux faire que de nous rapporter pour tout ce qui concerne
cet établissement. Ainsi nous ne parlerons pas des illustres professeurs
qui s'y sont distingués pendant le cours des deux siècles qui
ont précédé son anéantissement, tels que Philibert
Fézaye, Pierre Gassendi et Antoine Pagi dans la chaire de théologie;
Charles-Annibal Fabrot, Joseph-Jules-François de Colonia, Jean-Joseph
Julien, André Pazéry, Joseph-Sextius Siméon et Joseph-Jérôme
Siméon, père et fils, dans la chaire de droit; Jacques Fontaine,
Antoine Mérindol et Joseph Lieutaud dans celle de médecine; Jacques
Henricy et Pierre Pontier dans l'anatomie ; Pierre Garidel et Michel Darluc
dans la botanique. Nous empruntons les noms de ces savants hommes à l'ouvrage
de M. Henricy ; la plupart d'entre eux, étant natifs d'Aix, se rencontreront
encore dans le nôtre, et nous sommes persuadés qu'on pourrait même
en augmenter le nombre. 9
Ecole de Droit.
Le chef de l'université portait le titre
de chancelier et était élu à vie. Thomas de Puppio, archevêque
d'Aix, né en cette ville d'une famille noble, fut nommé chancelier
lors de la première élection en 1414, et depuis lors jusqu'à
la révolution, les archevêques, ses successeurs, ont rempli les
mêmes fonctions. Lorsque le siége devenait vacant, on élisait
comme chancelier un vicaire-général, un chanoine, quelquefois
même un magistrat et jusqu'à la mort de ceux-ci on n'appelait pas
les archevêques à les remplacer, à moins que le chancelier
ne donnât sa démission.
Les anciens statuts de l'Université consacraient quelques usages singuliers,
tels que celui-ci : le recteur ou primicier était élu annuellement
le premier jour de mai, dans la chapelle de Sainte-Catherine, à Saint-Sauveur.
Le jour de Pentecôte, il désignait six ou huit étudiants
qui, proprement vêtus et tous à cheval, devaient aller chez le
révérendissime archevêque, les chanoines, les docteurs et
les licenciés en droit, les officiers temporels et spirituels, les nobles
et les syndics de la ville, pour leur notifier que le lendemain, entre sept
ou huit heures du matin, un tel (le nouvel élu) recevrait les marques
de sa dignité à Saint-Sauveur. Ils devaient ensuite se présenter
aux dames (honestis mulicribus) pour les inviter aux danses qui auraient
lieu le soir au palais et à la collation qui leur serait donnée.
Pareille notification devait être faite aux chefs des divers couvents
de la ville. Le bedeau, portant la masse de l'Université précédait
cette cavalcade, ainsi que des mimes ou ménétriers également
à cheval. 10
Des facultés de théologie et de droit ont remplacé, depuis
1806, l'ancienne université, et dans quelques mois une Faculté
des Lettres va étendre les moyens d'instruction que cette ville offre
à la jeunesse studieuse qu'elle renferme, ou qui y est attirée
par la réputation et le savoir de MM. les professeurs.
Nous ne pourrions préciser l'époque de la première construction
des bâtiments de l'Université sur la place où ils existent
actuellement, en face de l'église de Saint-Sauveur. Nous savons seulement
qu'ils menaçaient ruine en 1734 et qu'ils ont été rebâtis,
tels que nous les voyons aujourd'hui, peu d'années après. 11
Au XIIe siècle, un hôpital, sous le nom de Saint-Michel, existait
sur ce même emplacement.
1 Papon, Histoire générale de Provence, tome 1er, pag. 311 ; et Dictionnaire des Hommes illustres de Provence, tome II pag. 158. Retour
2 Recueil des privilèges d'Aix in-4°, pag. 225. Retour
3 Papon, Histoire générale de Provence, tome III, aux preuves, pag. 47. Retour
4 État chronologique des juges-mages de Provence, par le P. Bicays, de l'Oratoire, manuscrit. Retour
6 De Haitze, Histoire d'Aix, livre IV, § 20. - Le P. Honoré Moulin (et non Dumoulin), cordelier, Recueil manuscrit d'inscriptions, à la bibliothèque Méjanes. -M. de Saint-Vincens fils, Mémoire manuscrit sur les monuments, tableaux, statues, etc. les plus remarquables de la ville d'Aix, écrit en 1790, peu avant la destruction de la plupart des églises où ils se trouvaient au moment de la révolution. - M. l'abbé Maurin, Notice sur l'église Saint-Jean d'Aix, insérée dans le tome V des Mémoires de l'académie d'Aix, pag. 255 et suivantes. Retour
7 Né à Aix le 13 avril 1756, mort dans la même ville le 17 février 1834. - Outre sa Notice sur l'université, il en a publié une autre non moins curieuse sur l'Origine de l'imprimerie en Provence, insérée dans le tom. III des Mémoires de l'académie d'Aix, pag. 1 et suivantes. On y trouve les documents les plus exacts sur les premières imprimeries établies à Aix en 1575 ; à Marseille, en 1594 ; à Arles, en 1647 ; à Toulon, en 1704. - Le premier livre imprimé à Aix est intitulé : Traicté de l'église de Dieu contre les Calvinistes et autres qui se sont séparés et divisés d'icelle pour faire sectes à part ; petit in-8° devenu très rare, imprimé à Aix, en Provence, par Pierre Roux, 1575, au-devant la grand église Saint-Saulveur. La dédicace, à monseigneur le comte de Carces, est datée d'Aix, le 1er juillet 1574, et est signée par Jehan Pellicot, qui était un conseiller à la sénéchaussée, mort en 1583. Retour
8 Aix, Pontier fils aîné, in-8°. Retour
9 Mathieu de Montreuil, poète français, écrivain agréable et facile du siècle de Louis XIV, ayant dissipé la majeure partie de sa fortune dans les voyages et les plaisirs, s'attacha, en qualité de secrétaire, à M. de Cosnac, évêque de Valence, et le suivit lorsqu'il fut transféré à l'archevêché d'Aix. En 1690 il obtint, par la protection du prélat, le greffe de l'université, ce qui donna lieu au quatrain suivant:
Mathieu Montreuil par Boileau tant vanté
Dont la prose et les vers charmaient toute la France.
Mathieu Montreuil est en Provence
Greffier de l'université.(De Haitze, Histoire d'Aix, mss, livre XXIV, § 27).
Le Dictionnaire historique de Ladvocat dit que Montreuil mourut en 1691; mais Moreri veut qu'il soit mort à Valence en 1692; en sorte que la question serait encore indécise, si la Biographie universelle de Michaud ne disait positivement (tom. XXX, pag. 41) que Montreuil mourut à Valence (et non à Aix) en juillet 1692. Voilà qui est affirmatif, ce nous semble. Mais voici qui nous parait encore plus certain. " L'an 1691 et le 21e du mois d'aoust, a été enseveli dans cette église Saint-Sauveur, M. Mathieu de Montreuil, mort le même jour, âgé d'environ quatre-vingts ans, natif de la ville de Paris; présents, etc. (Registre de la paroisse de Saint-Sauveur, à Aix, année 1691, folio 50). Retour
10 Alm Aquarum-Sextiarum universitatis vetera et nova statuta, etc.; Aix, Roize, 1667, in-4, pag. 21, 34, 36, etc. Retour
11 Cahiers de l'assemblée des communautés
de Provence, 1751, pag. 62, et 1735, pag. 38. Retour