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notre premier volume nous avons annoncé que nous parlerions des troubles
des Cascaveoux qui semèrent la division et firent tant de mal
dans notre ville à la suite de la peste de 1629 et 1630. 1
Le parlement rentra dans Aix après la cessation du fléau, au mois
d'août 1630. C'était à cette époque que le cardinal
de Richelieu, premier ministre, voulant perdre le duc de Guise, gouverneur de
Provence, avec lequel il était brouillé, fit rendre par le roi
divers édits contraires aux priviléges du pays, notamment celui
des Élus qui en eût fait un pays d'élection soumis
à la volonté de trois cent cinquante fonctionnaires créés
par cet édit, et traînant après eux une légion de
sergents, d'exécuteurs et de records qui eussent dévoré
la substance du peuple.2"
Le duc se trouvait en effet dans cette cruelle position : de déplaire
aux Provençaux, s'il faisait exécuter les édits ; ou d'indisposer
le roi contre lui, s'il n'obéissait pas. La Provence entière et
la ville d'Aix principalement, se soulevèrent à la première
nouvelle de cet édit. L'intendant d'Aubray , arrivé à Aix
au mois de septembre pour tâcher de calmer les esprits, fut obligé
d'en sortir la nuit suivante, avant couru risque de la vie ; son carrosse et
ses meubles furent traînés par la populace et brûlés
publiquement sur la place des Prêcheurs, où, peu de temps auparavant,
l'on avait également brûlé un mannequin représentant
le surintendant des finances (le maréchal d'Effiat).
Les agitateurs se réunissaient sur la place de la Plate-Forme, située
à l'extrémité de la rue du Grand-Boulevard, et là
ils s'échauffaient mutuellement pour la conservation des priviléges
du pays et s'enhardissaient à la résistance aux volontés
du gouvernement. L'un d'eux dit un jour que les discours ne servaient de rien
et qu'il fallait prendre les armes : - mais, ajouta-t-il en rappelant la fable
du conseil tenu par les rats, qui de nous osera attacher le grelot au cou du
chat ? - C'est moi qui l'attacherai ! s'écria Paul de Joannis, seigneur
de Châteauneuf, l'un des plus ardents conjurés et appartenant à
une famille parlementaire aujourd'hui éteinte. Châteauneuf
ordonne à l'instant à tous les présents d'attacher à
leurs bras, avec une courroie qu'il munit de son cachet, un grelot en signe
de ralliement, et c'est de ce grelot, appelé en provençal cascaveou,
qu'est venu le nom de révolte des Cascaveoux qui fut donné
à ces troubles.
Le premier président, Vincent-Anne de Forbin-Maynier, baron d'Oppède,
favorisait l'établissement des Elus, et son parent Gaspard de
Forbin, seigneur de la Barben, alors premier consul d'Aix, procureur du pays,
était soupçonné de le favoriser aussi. L'un, fut contraint
de se réfugier à Avignon où il mourut, dit-on, de douleur,
au commencement de l'année suivante ; et l'autre, vit saccager son château
de la Barben et mettre le feu à la forêt qui l'environne, par une
troupe armée, composée d'environ deux mille hommes, accourus,
en grande partie, de Pélissane, de Rognes, de Saint-Cannat, etc., qui
partit d'Aix dans cette intention, tambour battant, mèche allumée,
ayant à sa tête le seigneur de Châteauneuf. Vers la même
époque, la maison du conseiller de Paule, celles du prévôt
Dumas, de l'auditeur Chaix et du greffier Menc, furent également dévastées
et pillées, en haine des propriétaires qui se montraient favorables
à l'établissement du nouvel édit. 3
Sextius d'Escalis, baron de Bras et d'Ansouis, qui succéda, le 1er novembre,
au seigneur de la Barben dans les fonctions de premier consul d'Aix, piqué
et même jaloux de l'autorité que Paul de Joannis et son frère
le chevalier de Châteauneuf exerçaient dans Aix conjointement avec
les présidents de Coriolis et de Forbin-la-Roque, résolut de les
chasser de la ville, et forma à cet effet une nouvelle coalition composée,
en grande partie, de gentilshommes qu'il opposa à celle de ses adversaires.
Ceux-ci, disait-il, n'étaient suivis que par la canaille, et pour témoigner
que lui aussi n'avait en vue que le bien public, il fit prendre à ses
partisans un ruban bleu avec cette devise : Vivo lou Rei et fouero leis Elus
! 4 Il contraignit
en effet les Châteauneuf et leurs adhérents à quitter la
ville ; mais son triomphe fut de peu de durée. Deux de ses collègues,
Ardoin de Boniparis et Jean Anglès, deuxième et troisième
consuls, loin de l'appuyer, se réunirent aux conseillers d'Espagnet et
de Villeneuve qui, de concert avec d'autres membres du parlement, mirent dans
leurs intérêts Fabry, capitaine du quartier de Bellegarde, et quelques
gens armés dont il pouvait disposer. Fabry vint en effet se poster avec
eux devant la porte du palais, et d'Escalis et les siens ayant voulu les attaquer,
ils les mirent eu fuite. L'avocat Orcel fut tué, dans cette attaque,
d'un coup de fusil que lui tira un valet du premier consul, et ce valet fut
tué au même instant par un des soldats du capitaine Fabry. D'Escalis
revint à la charge ; mais poursuivi, ainsi que sa troupe, par celle de
Fabry, ils se replièrent sur le couvent des Dominicains où ils
firent une brèche par laquelle ils se répandirent dans ce vaste
couvent, dans l'église et même dans le clocher pour se sauver.
Les vainqueurs les y poursuivirent et remplirent l'église de tumulte
que le parlement tenta inutilement de réprimer. Les religieux eurent
alors recours à l'exposition du Saint-Sacrement, espérant par
là faire cesser le scandale ; mais le désordre allant toujours
croissant, l'un d'eux, revêtu de ses habits sacerdotaux, prend le Saint-Sacrement
dans ses mains et s'écrie avec l'accent de la plus forte indignation
: -Dieu tout-puissant ! puisque le respect de ce saint lieu et la majesté
de votre présence ne sont pas capables d'arrêter l'insolence de
ce peuple obstiné, et de lui faire déposer les armes, souffrez
que cette même main et cette même custode avec lesquelles vous lui
avez si souvent donné votre bénédiction, servent aujourd'hui
à lui donner votre malédiction ! - A ces mots la plupart des furieux
se prosternent à terre et mettent bas les armes, en criant miséricorde!
Ils sortent ensuite de l'église ; le baron de Bras et d'Ansouis se sauve
furtivement, et ses ennemis sont de nouveau les maîtres de la ville.
Des désordres aussi graves demandaient une sévère répression.
Le prince de Condé 5
eut ordre de venir en Provence avec quatre ou cinq mille hommes d'infanterie
et cinq ou six cents chevaux, pour rétablir l'autorité du roi,
rechercher et faire punir les coupables, indemniser les victimes de la sédition,
et traiter avec les Etats du pays pour la révocation de l'édit
des Elus, moyennant finance.
" A l'approche du prince, dit Pitton, 6
tout le monde prend l'épouvante, et ceux qui, ces jours passés,
estoient des plus hardis, quittent la ville ; une bonne partie se cantonnent
dans un lieu du terroir d'une très forte assiette et presque inaccessible,
que nous nommons la Barro doou Senglé, dans la banlieue de la
ville, du côté de la roche Sainte-Venturi. Ils portent quelques
munitions et quelques provisions, laissant la ville presque dépourvue
d'hommes. "
L'assemblée des procureurs du pays nés et joints, tenue à
Aix le 23 janvier 1631, députe une douzaine de personnes de qualité
au-devant du prince pour l'assurer de la soumission de la province et de la
ville. Ces députés le rencontrent au pont Saint-Esprit, et s'acquittent
de leur commission en termes qui satisfont le prince. Celui-ci, arrivé
à Avignon le 13 février, y reçoit aussi les compliments
du parlement d'Aix portés par le président de Monier de Châteaudeuil,
les conseillers de Périer, de Bermond et de Villeneuve, et par l'avocat
général Decormis. Le prince les reçut très gracieusement,
se tenant debout et découvert et les accompagna jusqu'au bas de l'escalier,
honneur qu'il ne fit pas aux députés de la cour des comptes qu'il
reçut, dans l'après-midi, assis et couvert, et qu'il ne reconduisit
que jusqu'à la porte de sa chambre. En les congédiant, les uns
et les autres, le prince leur intima l'ordre du roi portant que les cours souveraines
sortiraient immédiatement de la ville d'Aix, et les exhorta à
une prompte obéissance s'ils voulaient rentrer dans les bonnes grâces
de Sa majesté. En effet, peu de jours après le parlement se retira
à Brignolles, la cour des comptes, aides et finances à Saint-Maximin,
les trésoriers de France à Pertuis, et les officiers de la sénéchaussée
à Lambesc.
" Monsieur le prince, ajoute Pitton, n'estoit pas venu avec un esprit de
colère. On n'en vouloit pas au sang, mais à la bourse ;
et pour faciliter les affaires, il convoqua les Estats dans la ville de Tarascon
où il arriva le 7 mars..... Ceux-ci donnèrent au roi quinze cent
mille livres ; 7
la communauté d'Aix fut condamnée à tous les dommages et
intérests soufferts par quelques particuliers, sçavoir par la
Barben, de Paule, Dumas Chaix, Menc, Sigaud, c'est-à-dire que pour
quelques vieux meubles bruslés, on leur donna de quoy s' ameubler à
la mode, et pour quelques croisées de fenestres abattues, on a veu de
très belles maisons. "
Le 18 mars le marquis de Beauvais-Nangis, qui précédait le prince,
après avoir disséminé la grande partie des troupes dans
les villages voisins de notre ville, fit son entrée dans celle-ci, n'ayant
avec lui que les quatre régiments de Champagne, de Normandie, de Phalsbourg
et de Soyecourt ; le lendemain mercredi, 19 mars, les ayant fait ranger en bataille
sur la place des Prêcheurs, le prince, parti de Lambesc et ayant entendu
la messe et dîné aux Chartreux, au faubourg d'Aix, entra dans la
ville à cheval, à onze heures du matin, par la porte Saint-Jean,
accompagné de quelques grands seigneurs et escorté par sa compagnie
d'ordonnance et celle du duc d'Enghien, son fils.
Il alla directement à Saint-Sauveur où il fut complimenté
par le prévôt Boniface Pellicot à la tête du chapitre,
et après une courte prière, il descendit par les rues du Bon-Pasteur,
de Saint-Sébastien, des Patis et de la Couronne dans celle de Ville-verte,
où son logement avait été préparé chez le
lieutenant Bonfils. 8
Le prince ne passa que trois jours à Aix, où il reçut de
nouveaux députés du parlement, employant le reste de la journée
à entendre les prédications du carême où à
parcourir les monuments et les curiosités de la ville ou les cabinets
des particuliers. Il partit le samedi, 22 mars, pour aller visiter la cour de
parlement à Brignolles, la Sainte-Baume, Toulon, etc., et revint à
Aix, le 27, à midi. Il reprit enfin la route de Paris le 1er avril, pour
aller rendre compte de sa mission au roi, laissant le sieur de Soyecourt en
qualité de gouverneur de la ville. Le jour de l'Ascension quelques soldats
ayant eu dispute avec des paysans au quartier des Cordeliers et en ayant tué
ou blessé plusieurs, le peuple s'ameuta de nouveau au nombre d'environ
trois mille personnes qui voulaient se mesurer avec les soldats ; mais ceux-ci
reçurent ordre de quitter la ville la veille de la Pentecôte, et
le calme fut entièrement rétabli. Aussi les cours souveraines
reprirent-elles leurs fonctions dans Aix au mois d'octobre suivant.
Cependant les intendants de la Poterie et d'Aubray, que le prince de Condé
avait amenés avec lui, instruisaient contre les séditieux. Dès
le 30 mars le prince avait fait afficher dans la ville un Rôle des
accusés des émotions contre lesquels il y a décret,
composé de quarante-trois personnes, en tête desquelles étaient
les deux frères Châteauneuf, avec défenses à tous
gouverneurs, lieutenants de places, officiers de justice, consuls, officiers
et habitants des villes, etc., de leur donner retraite, support ou assistance.
Il n'y eut cependant que peu de condamnations autrement que par contumace. Dix
personnes absentes furent ainsi condamnées à mort, et huit à
assister aux exécutions, tête et pieds nus, la corde au cou, et
ensuite à être bannies à perpétuité du royaume.
Vingt-deux autres furent décrétées de prise de corps et
trois d'ajournement personnel. Jacques Roustaing, Jean-Baptiste Ruffi et Jean
Roustaing furent moins heureux s'étant laissé arrêter, le
premier fut condamné à être pendu. Se livrant au désespoir
dans la chapelle de la prison il se porta à la gorge plusieurs coups
d'un couteau qu'il avait caché sous l'autel, et se débattit ensuite
violemment avec les archers qu'il mit en fuite au moyen d'une épée
et de deux pistolets dont il s'était saisi. Les archers montent alors
sur le toit de la chapelle, et par une lucarne ils tirent sur lui jusqu'à
cinq coups de carabine dont deux ne purent l'atteindre ; mais le second l'ayant
blessé dans la poitrine, le troisième au genou, et le cinquième
dans le ventre, il tomba enfin. On put alors entrer dans la chapelle où
ce malheureux expira sur les huit heures du soir, le 18 juillet 1631, en protestant
de son innocence, de celle des particuliers qu'il avait accusés, et déclarant
qu'on lui avait promis la vie sauve s'il portait ces accusations, sur quoi on
faussait la parole qui lui avait été donnée. Son cadavre
fut néanmoins porte sur l'échafaud et y demeura jusqu'à
deux heures après minuit. Ruffi fut envoyé aux galères
pour le reste de ses jours, et Jean Roustaing banni du royaume à perpétuité.
Nous avons parlé ailleurs d'une autre victime de ces troubles des Cascaveoux,
le président Laurent de Coriolis, qui mourut misérablement enfermé
dans la tour de Bouc. 9
Eux seuls payèrent pour tous. Les autres obtinrent du roi une amnistie
générale, au mois de juillet 1633. C'est alors que les édits
des Elus, des Experts-Jurés, des Auditeurs des comptes, etc., furent
révoqués, les quinze cent mille francs promis au roi lui ayant
été payés ; ce qui prouve la justesse de la réflexion
de Pitton : On n'en voulait pas au sang, mais à la bourse.
Cette place, où se réunirent d'abord les premiers adversaires de l'édit des Elus, avait reçu le nom de la Plate-Forme ou du Boulevard, du temps de la Ligue, parce que lors du siége d'Aix par le duc d'Epernon, les habitants y avaient établi une batterie de deux canons pour incommoder le fort Saint-Eutrope où s'était logé le duc, sur le revers méridional de la colline du même nom. 10 Le vendredi, 9 juillet 1595, un boulet de canon, parti de cette batterie, atteignit le duc qui jouait avec quelques seigneurs dans un pavillon voisin de sa tente. Deux hommes furent tués assez près de lui, ce qui fut cause qu'on répandit aussitôt dans la ville le bruit de sa mort, et ce bruit s'y soutint pendant plusieurs semaines, le chanoine Matal étant monté en chaire à Saint-Sauveur, le dimanche, 18 juillet, pour assurer la confirmation de cette nouvelle. Ce ne fut que le 13 août suivant qu'on fut détrompé, des envoyés de la ville, qui étaient entrés dans le fort pour traiter d'une trève, ayant vu le duc en personne, marchant toutefois avec des béquilles à cause de la blessure qu'il avait reçue. 11
L'ancien palais des comtes de Provence et des cours souveraines ayant été démoli en 1786, 12 le célèbre architecte Ledoux 13 fut chargé de dresser un plan pour la construction d'un nouveau palais, et présenta celui duquel on trouvera ici le dessin. Ce plan, dont l'exécution fut suspendue pendant la révolution, ne fut malheureusement pas suivi lors de la reprise des travaux en 1822. Ledoux avait, dit-on, le projet de faire arriver la route d'Italie (en coupant depuis l'Angesse jusqu'à Aix) à la porte de la Plate-Forme qui n'a, extérieurement aucun aboutissant, et qui eût eu en perspective le nouveau palais de justice, au bout de la belle rue du Grand-Boulevard.
La porte publique de la Plate-Forme ne fut ouverte qu'en 1685. En sortant de la ville par cette porte pour descendre vers celle de Saint-Jean, on trouve à quelques pas, sur la gauche de la lice extérieure, le petit chemin de la Torse et du Tholonet qui est une continuation de la rue du Louvre ou de l'intendance. 14 Sur la gauche de l'entrée de ce chemin, en face d'un oratoire dédié à Notre-Dame-des-Victoires, est un terrain actuellement clos de murs, mais qui était encore à découvert il n'y a pas plus de quarante ans. C'est là le théâtre d'une scène d'horreur, qui se passa vers 1750, et que nous laisserons raconter au premier auteur qui a eu le courage d'en parler : 15" C'était à une heure assez avancée de la nuit ; quelques jeunes nobles rentraient en
Palis de Justice.
ville, de retour d'une orgie dans les environs. Les
têtes étaient échauffées, et des valets armés
de flambeaux éclairaient la route. Vint à passer un paysan cheminant
sur son âne ; on l'arrête, on l'interroge, on le plaisante
; puis, on propose de le juger. La motion adoptée, on s'assied sur le
rebord du chemin en manière de tribunal ; on donne au paysan des gardes
et un avocat; on le juge et on le condamne à être pendu. Le malheureux
qui avait cru ne se prêter qu'à une mauvaise plaisanterie, ne fut
détrompé qu'en expirant aux branches d'un arbre où les
monstres l'avaient fait pendre avec le licou de son âne. Les valets avaient
fait l'office de gardes et de bourreaux. L'affaire fut étouffée
à force d'argent. "
Ce récit n'est que trop véritable, nous ne pouvons le dissimuler
; toutefois l'auteur aurait dû, ce nous semble, souligner, comme nous,
quelques mots qui peuvent en atténuer l'atrocité, puisque les
acteurs étaient à moitié ivres si même ils ne l'étaient
pas entièrement. L'auteur erre aussi en ajoutant que l'affaire fut étouffée
à prix d'argent. Des indemnités pécuniaires furent données
à la famille de la victime ; mais ce n est pas ce que veut dire M. Lourde.
Son intention est de faire accroire, comme il le dit plus bas, " que depuis
longtemps le parlement d'Aix, corrompu, n'avait plus de voix et d'énergie
que pour la défense de ses priviléges. La justice, ajoute-t-il,
était publiquement tarifée et vendue ; on savait d'avance ce que
le gain d'un procès devait coûter, et les plaideurs, au lieu de
bonnes raisons, portaient de l'or à leurs juges. " Viles déclamations
! infâmes calomnies ! qu'on avait débitées à M. Lourde
et auxquelles personne ne croit. D'ailleurs, quel besoin avait-on, dans cette
circonstance, de corrompre des juges au nombre desquels se trouvaient les pères,
les frères, les maris, les oncles, les cousins des coupables, peut-être
même quelques-uns de ceux-ci ? La véritable cause de l'impunité
fut que cent familles et même plus eussent été punies, par
la flétrissure et le déshonneur, d'un crime dont elles étaient
assurément bien innocentes. Les conseils du roi, qui furent consultés,
furent d'avis de ne pas plonger une ville entière dans la désolation
et l'infamie pour un fait malheureux sans doute, mais qui présentait,
s'il est possible, une sorte d'excuse dans l'état d'ivresse des coupables.
1 Voyez tom. 1er, pag. 46,
244, 459
et 460. Retour
2 Voyez l'Essai sur l'hist. de Prov., par C.-F. Bouche, tom. II, pag. 194. Retour
3 Voyez sur ces troubles, les divers historiens de Provence, de la ville et du parlement d'Aix ; notre premier vol., pag. 47, 244, 459 et 460 ; le présent vol., pag. 45 ; et ci-après rue Villeverte. Retour
4 Vive le roi et hors d'ici les Elus ! Retour
5 Henri II de Bourbon, père du grand Condé, mort en 1646. Retour
6 Hist. d'Aix, pag. 389. Retour
7 Pitton dit seulement cinq cent mille livres, mais il se trompe et nous croyons qu'il a voulu dire cinq cent mille écus, qui fesaient bien quinze cent mille livres Le traité fut arrêté à Tarascon le 14 mars 1631, par lequel, moyennant cette dernière somme, le prince promit de faire consentir le roi à révoquer les édits des Elus et autres contraires aux priviléges du pays, à rétablir le siège des cours souveraines dans Aix, et s'engagea à intercéder auprès de sa majesté pour obtenir d'elle l'abolition des recherches qui pourraient être faites à raison des mouvements qui avaient eu lieu. Signé Henri de Bourbon, Charles le Roy de la Poterie, d'Aubray ; et plus bas : Toussaint., évesque de Sisteron, président aux Estats (en absence de l'archevêque d'Aix), Duchaine, évesque de Sénez, Auguste, évesque de Toulon, des Arcs, Janson, d'Oraison, Buoux, Montmejan, Céreste, Dyons, consul de Tarascon, Burle, consul de Forcalquier, Chassignet, consul de Digne, Arnaud, consul de Riez, de Scalles Sabran, consul d'Aix, procureur du pays, Henri des Rollands, assesseur d'Aix, procureur du pays, Boniparis, consul d'Aix, procureur du pays, et Meyronnet, greffier des Estats. Retour
8 Voyez les mémoires manuscrits du conseiller d'Agut (mentionnés dans notre premier vol., pag. 611, not. 1), lesquels entrent dans beaucoup plus de détails que Bouche et Pitton sur tout ce qui concerne cette arrivée du prince de Condé en Provence. Voyez aussi les mémoires manuscrits du président Gaufridi, cités en notre premier vol., pag. 599, note 1. Retour
9 Voyez au 1er vol. pag. 244 et suiv. Retour
10 Voyez au musée de la ville, le très curieux tableau peint à l'huile, représentant le Siége de la ville d'Aix par le duc d'Epernon, en 1593 et 1594, duquel nous avons déjà parlé dans notre premier vol., pag. 330 et 572. Retour
11 Voyez le journal manuscrit du procureur Foulques Sobolis, cité dans notre premier vol., pag. 422 et suiv. Retour
12 Voyez au 1er vol., pag. 10 jusqu'à 17. Retour
13 Claude-Nicolas Ledoux, champenois, né en 1736, mort à Paris en 1806, est connu particulièrement par la construction des barrières de Paris sous Louis XVI. Biographie universelle de Michaud, tom. XXIII, pag. 535. Retour
14 Voyez ci-après, rue du Louvre. Retour
15 Histoire de la révolution à
Marseille et en Provence, depuis 1789 jusqu'au consulat, par C. Lourde,
de Mazamet ; Marseille, 1838 et 1839, trois vol. in-8°, introduction, pag.
XVII. - Nous avons entendu parler plusieurs fois, dans nos jeunes ans, de cette
scène déplorable qui remontait déjà à plus
de trente ans ; mais nous n'avons jamais pu en connaître les acteurs.
Nous avons constamment rencontré le plus profond secret sur cet horrible
mystère. Nous savons seulement que des dames faisaient partie de la bande
bachique, et que l'une d'elles remplissait le rôle d'évangéliste.
Elle en fit pénitence le reste de ses jours en allant à pieds
nus, chaque soir et quelque temps qu'il fît, dans l'église des
Dominicains où ses remords la conduisaient ; elle y répandait,
pendant plusieurs heures, des larmes sincères et abondantes sur le sort
du malheureux paysan dont les cris lamentables, nous a-t-il été
dit aussi, furent entendus, dans le silence de la nuit, par les religieuses
du second couvent de la Visitation ou Petites-Maries, logées tout près
de là dans l'intérieur de la ville, au midi de la place de la
Plate-Forme, là où sont aujourd'hui l'usine à gaz, le bureau
des hypothèques, etc. Retour